RANDONNEE AUX ALENTOURS DE BAVIGNE.
L’automne, au coin du bois,
Joue de l’harmonica.
Quelle joie chez les feuilles !
Elles valsent au bras
Du vent qui les emporte.
On dit qu’elles sont mortes,
Mais personne n’y croit.
L’automne, au coin du bois,
Joue de l’harmonica.
Maurice Carême.
Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !
Je suis d’un pas rêveur, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !
Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits,
C’est l’adieu d’un ami c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !
Ainsi, prête à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d’un regard d’envie
Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !
Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?
Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore
Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ?
La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs ; et mon âme, au moment qu’elle expire,
S’exhale comme un son triste et mélodieux.
Alphonse de Larmartine.
Chanson d’automne
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure ;
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul Verlaine.
RANDONNEE AUTOUR DE ESCH-SUR-SURE.
Chant d’automne
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon cœur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.
J’écoute en frémissant chaque bêche qui tombe ;
L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part
Pour qui ? – C’était hier l’été ; voici l’automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
Charles Baudelaire (Les fleurs du mal).
Soir d’automne
Il est doux, ô mes yeux, lorsque le vent d’automne
Cesse de s’acharner à l’arbre dont frisonne
Le spectre dépouillé qui craque et tremble encore,
De voir, dans l’air muet, où son vol se balance,
Tomber en tournoyant à travers le silence,
Une dernière feuille d’or.
Quand au jour éclatant qui se voile succède
Le crépuscule lent, humide, mol et tiède,
Qui fait perler la mousse au dos des bancs velus,
Il est doux, au jardin mystérieux, d’entendre
Résonner dans le soir le rire obscur et tendre
Des visages qu’on ne voit plus.
Henri de Régnier.
1er novembre
Alors que pour rire
Des enfants jouent
A la guerre,
Ciel de Toussaint,
Les nuages pleurent
Les morts.
Au cimetière
L’envol d’un corbeau
Accompagne les prières.
Stéphen Moysan.
Saint-Pierre au bord du chemin.
RANDONNEE A PROXIMITE DE HEISCHTERGRONN.
Matin d’Octobre
C’est l’heure exquise et matinale
Que rougit un soleil soudain.
A travers la brume automnale
Tombent les feuilles du jardin.
Leur chute est lente. On peut les suivre
Du regard en reconnaissant
Le chêne à sa feuille de cuivre,
L’érable à sa feuille de sang.
Les dernières, les plus rouillées,
Tombent des branches dépouillées.
Mais ce n’est pas l’hiver encore.
Une blonde lumière arrose
La nature, et, dans l’air tout rose,
On croirait qu’il neige de l’or.
François Coppée.
Automne malade.
Automne malade et adoré
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n’ont jamais aimé
Au lisères lointaines
Les cerfs ont bramé
Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu’on foule
Un train
Qui roule
La vie
S’écoule.
Guillaume Apollinaire.
Berceuse Yiddish : « Oyfn veg shteyt a boym »
Sur la route se trouve un arbre
Il est penché
Tous les oiseaux de cet arbre se sont envolés
Trois vers l’ouest, trois vers l’est et
Le reste vers le sud
Et l’arbre resté sans rien, exposé à la tempête
Alors je dis à ma mère : écoute-moi
Ne me dérange pas
Maman, je compte un deux et je deviens un oiseau…
Je m’assiérai sur l’arbre et je le bercerai
Pour le consoler pendant l’hiver par une belle mélodie
La mère dit : Nite, mon enfant
Et elle éclate en sanglots
Tu vas geler sur cet arbre
Je lui réponds maman, c’est dommage
Pour tes beaux yeux
Et en deux temps trois mouvements
Me voilà devenu un oiseau
Ma mère pleure : Itzik, mon trésor
Pour l’amour de Dieu prends-toi un
Châle
Tu pourrais t’enrhumer
Mets tes galoches
L’hiver est dur
Et prends également avec toi une casquette
Ah que j’ai mal et que je souffre
Et prends aussi ton vêtement d’hiver
Mets-le malheureux
Si tu ne veux pas figurer parmi les morts
Je tente de prendre mon envol
Que c’est difficile, trop d’affaires
Ma mère a trop vêtu son petit oiseau,
Le faible
Je regarde avec tristesse
Dans les yeux de ma mère
Son amour ne m’a pas permis d’être
Un oiseau..
Sur la route se tient un arbre
Il est penché
Tous les oiseaux de cet arbre
Se sont envolés….